Il y avait jadis dans la montagne d’Estérençuby, quatre vachers localisés sur la frontière avec l’Espagne. L’un d’eux était un tout jeune garçon. On raconte que la nuit, lorsqu’ils étaient endormis, la créature légendaire Anxo (le nom local du seigneur sauvage Basa Jaun) avait pour habitude d’entrer dans leur cabane, de se chauffer au coin du feu et de manger les portions de nourriture que les bergers prenaient soin de lui laisser dans un coin de table.
Un soir, voyant que la part d’Anxo n’avait pas été préparée, le jeune garçon s’en inquiète auprès de ses camarades ; ils dénigrent alors le rituel et répondent au garçon de laisser sa part s’il le souhaite. Le garçon honore son engagement. Le seigneur sauvage vint dans la nuit comme à l’accoutumée, se réchauffa mais, peu rassasié avec une seule portion, il repartit en emportant les vêtements des vachers, sauf ceux du garçon.
Il neigea très fort cette nuit-là et les vachers, frigorifiés au petit matin, supplièrent le jeune vacher d’aller chercher leurs vêtements auprès d’Anxo. Terrorisé à l’idée de croiser le seigneur sauvage dans son repaire forestier, le garçon refusa la mission. Les trois bergers lui promirent alors une récompense, le don d’une génisse s’il s’exécutait. Générosité toute modérée puisqu’ils prirent le soin de choisir un piètre animal, maigre et sans descendance.
Le garçon part dans la montagne et, en s’approchant de la cachette de la créature, il crie et supplie Anxo de lui rendre les vêtements de ses camarades bergers. « Que te donne-t-on pour ta peine ? » lui répond Anxo. « Une mauvaise génisse » lui répond fébrilement le berger. « Tiens, voici leurs vêtements, mais prends aussi cette baguette de coudrier. Marque ta génisse et donne-lui cent et un coups de baguette, le cent unième plus fort que les autres. »
Le garçon exécuta au coup près les consignes d’Anxo. Et quelques jours après les cent et un coups de baguette, la génisse donna au jeune vacher un beau troupeau de cent et une belles bêtes.