Esterencuby aujourd'hui

ACTIVITES ECONOMIQUES

A quelques minutes du pôle d’activités de la vallée de Garazi, le village d’Estérençuby est majoritairement composé de corps de ferme, de bordes et de maisons familiales. L’activité professionnelle des habitants est très majoritairement liée à l’élevage (environ 80% des familles), en spécialité ovins-lait et bovins-viande .
Les produits issus de ces fermes sont largement commercialisés sous label :

  • l’AOP Ossau Iraty pour le lait et le fromage
  • l’IGP agneau de lait des Pyrénees
  • le label Rouge pour les bovins de race blonde Aquitaine
  • le label AB (agriculture biologique)

Des éleveurs sont aussi engagés dans la marque fermière Idoki.
Les produits issus de la race de brebis manech à tête noire peuvent être estampillés « sentinelle Slow Food ». Ces sentinelles accompagnent les artisans de petites productions de qualité, qui sont menacées.
Le respect d’un cahier charge reste la caution de ces différents labels ou marques, gage d’une qualité supérieure.

Si, dans les années 60, la quête d’un travail engendra une émigration massive vers les Amériques pour les hommes (qui exerçaient comme berger) et vers Paris ou Lourdes pour les dames (comme femmes de chambres ou serveuses dans cette deuxième cité hôtelière de France), les enfants issus de ces familles très nombreuses se sont aussi sédentarisés au village grâce au développement d’activités économiques liées à la construction. En effet, sur Estérençuby, on compte des artisans-maçons, des menuisiers, des charpentiers.

Aussi, faut-il rappeler que Garazi (Saint-Jean-Pied-de-Port), véritable poumon économique de la vallée, offre de l’emploi salarié à la population de proximité dans les domaines des services (médical, tourisme), du bâtiment et de la vente. Le village d’Estérençuby est loin d’être une cité dortoir, c’est avant tout un village agricole et touristique.

A noter la présence d’une pisciculture familiale sur la rivière Ezterengibel, depuis les années 70, spécialisée dans la production d’alevins de truites arc-en-ciel.

La commune est également sillonnée par de grands itinéraires de traversée des Pyrénées : le GR10 et la HRP qui permettent aux randonneurs de relier l’Atlantique à la Méditerranée, l’Eurovélo 3, itinéraire vélo estival qui traverse l’Europe de la Norvège à Compostelle, et la Grande Traversée à VTT du Pays basque, itinéraire phare des adeptes du vélo de montagne itinérant. L’accueil étant une vocation dans la commune, ces itinéraires confortent la présence de deux hôtels, d’une auberge, d’un gîte d’étape et de locations de gîtes et meublés.

Le village

Si les commerces, services de santé et administratifs sont centralisés à Saint-Jean-Pied-de-Port, Estérençuby a su conserver son école grâce à la création de l’un des premiers regroupements pédagogiques du département. La mémoire vivante des trois écoles de la deuxième moitié du XXe siècle, lorsque les jeunes ezterenzubitars étaient plus nombreux.

Entre hôtels et gîtes, la capacité d’accueil au village est de 170 lits pour 330 habitants ; le sens de l’accueil coule dans les veines des habitants depuis plusieurs générations, il infuse désormais en vraie vocation touristique en phase avec les attentes actuelles de retour aux sources (de la Nive…).

Pour les fêtes du village, les jeunes du Comité des fêtes visitent l’ensemble des maisons et collectent, entre deux verres de courtoisie, une petite enveloppe qui servira à l’organisation. C’est l’etxe inguriak, la tournée des maisons qui anticipe les fêtes programmées début septembre.

Au cœur du village, le mur à gauche est le point de rendez-vous des habitants pour la fête du village et les différentes animations. Il accueille aussi le tournoi de pelote annuel, où plus de 50 équipes s’y retrouvent à la sortie de l’hiver, pour 3 mois de confrontations et de convivialité.

Comment ne pas citer le tournoi de mus, jeu de carte très populaire au Pays-Basque, joué avec les cartes espagnoles, où chaque joueur peut bluffer et miser des ttantto (des points). Les équipes communiquent entre elles en faisant des signes convenus. C’est véritablement un jeu amusant et entraînant.
« Hordago » : l’équipe a un excellent jeu (sinon c’est un gros coup de bluff…), la partie entière est misée (les 40 ttantto) et, si l’équipe adverse peut avancer un « Kanta », que le meilleur gagne, ou sinon « Tira », on se couche, on laisse tirer.
Il est pratiqué dans chaque village, à l’occasion de repas, de fêtes et aussi en championnats (organisés par la Fédération Française de Mus : championnat du Pays-Basque, de France et même du Monde !). Les finales mondiales peuvent se tenir aux Etats Unis, en Argentine ou encore au Pérou…. Attention, le jeu est très sérieux pour chaque binôme engagé, les dotations aux vainqueurs sont parfois attrayantes.

Le pastoralisme

De tous temps, l’élevage dans les montagnes basques inclut gardiennage, agnelages, traite et fabrication des fromages, mais aussi les soins accordés aux brebis (contrôle des pattes, tonte…). Les races locales de brebis sont la manech à tête noire (animal rustique avec un lait riche), la manech à tête rousse (plus laitière) et quelques basco-béarnaises (reconnaissables à leur chanfrein prononcé).
Sur les estives, au début des années 1960, le ramassage du lait est organisé par une tournée des cabanes (etxola) ; un âne bâté assure la jonction vers les premières pistes carrossables, où des véhicules sont équipés pour transporter les bidons de lait. A l’occasion, on en profite pour livrer le pain et le journal au berger. Le lait rejoint ainsi de petites laiteries implantées en fond de vallée. Malgré la distance, cette collecte du lait sur les hauteurs était intéressante pour les laiteries, car les troupeaux étaient importants. L’agnelage se faisant aussi au printemps, au cycle naturel de la brebis, la traite pouvait durer jusqu’à fin juillet.

Dans les années 1980-90, les premières routes pastorales renforcent l’accessibilité aux estives ; elles font évoluer les pratiques, toute l’organisation des estives est alors chamboulée. Afin de rompre l’isolement et la solitude, les éleveurs-bergers peuvent désormais se permettent des allers et retours entre vallée et montagne, même si les bergers sans terre restent en estive, tout comme les bergers salariés par les éleveurs. La traite et transformation fromagère commença à décliner. Le besoin en main-d’œuvre sur ces petites fermes de montagne a toujours été important, car nombreuses taches se faisaient manuellement, comme les travaux de fenaison. Les routes permirent aussi de libérer la main-d’œuvre d’estive.

Et, petit à petit, le rapport à l’estive changea. La manech à tête noire laissa progressivement de la place à la manech à tête rousse, plus productive. La durée de traite sur l’exploitation augmenta et les durées de transhumance diminuèrent. La présence en estive était très majoritairement assurée par les bergers sans terre, ces bergers sans foncier, uniquement propriétaires de leur troupeau de brebis. Six mois en estive, puis les six autres mois sur une ferme qu’ils louent sans écrit (hitza hitz), ce qui précarise énormément leur situation.
Depuis une quinzaine d’années, grâce à des dispositifs de soutien à l’économie pastorale, des bergers salariés sont embauchés sur les estives. Les cabanes des éleveurs bergers sont à nouveau occupées mais, pour eux, déléguer le gardiennage en estive leur permet de libérer du temps sur la ferme. En effet, la main d’œuvre familiale disponible sur les exploitations tend aussi à diminuer et la mécanisation des tâches est limitée du fait du relief.

Aujourd’hui, la fabrication du fromage en cabane est devenue minoritaire, mais elle perdure par la vente directe. Les laiteries vont chercher le lait dans les fermes en saison hivernale et le fromage est fabriqué en coopérative. Ces options expliquent la différence entre éleveur-fromager et éleveur-livreur.

Distinguons aussi de nos jours trois profils de bergers :

  • De petits exploitants de montagne, résidents d’une ferme du village l’hiver (le siège de leur exploitation), qui visitent leur troupeau en montagne chaque jour.
  • Une trentaine de bergers « sans terre », qui restent en montagne avec leur troupeau de mai à octobre et qui séjournent dans une ferme et sur un pacage hivernal, dont ils ne sont pas propriétaires. Sans garantie de pouvoir revenir d’une année sur l’autre. Leur siège reste la cabane occupée l’été.
  • Des bergers salariés par le propriétaire d’un troupeau, qui occasionnent un regain de la présence humaine en montagne

Les cabanes d’estives sont mises à disposition des bergers par la Commission Syndicale (voir l’onglet sur le Pays de Cize), avec un espace de pacage délimité pour les brebis, plus extensif pour les vaches (races blondes d’Aquitaine et pyrenaïca) et les chevaux, élevés pour leur viande.

Le quotidien du berger reste ponctué par le rythme des saisons. Par exemple, les agnelages ont lieu à partir de mi-novembre, pour une vente courant décembre (agneaux de 20 jours) à destination du marché espagnol. La traite des brebis reprend alors pour la vente du lait aux laiteries ou transformation directement à la ferme.

Pour tous, le parcours des estives est simplement le prolongement de l’exploitation. L’étagement de la pâture, garant d’un mode de production « extensif », leur est vital. La transhumance permet à l’éleveur de soulager les terres de son exploitation pour constituer les stocks de fourrage nécessaires au nourrissage du troupeau l’hiver prochain.

Les étapes de la fabrication du fromage

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Après la traite, le lait est versé dans un chaudron, puis chauffé une première fois.
L’ajout d’une présure permet d’obtenir un caillé au bout d’une heure. Ce dernier est tranché, chauffé à nouveau à 38°C, puis moulé.
Ces fromages frais sont salés à la main (ou trempés dans un bain de saumure) pour en assurer la conservation à long terme, puis viendra un temps d’affinage de plusieurs semaines en saloir. Les soins attentifs du fromager (retourner et nettoyer les tommes quotidiennement) permettront d’obtenir ces fromages basques tant appréciés sur les tables de la région.

PAYS DE CIZE, LE PASTORALISME EN HERITAGE

Le Pays de Cize est une ancienne circonscription territoriale correspondant aujourd’hui au canton de Saint-Jean-Pied-de-Port (19 communes), auquel il faut ajouter la commune de Suhescun (canton d’Iholdy). Il en découle une Commission Syndicale, autorité de gestion destinée à gérer les estives en collectif, dont l’originalité repose sur un mode de gestion des biens communs.
Ainsi, les pâturages d’altitude sont mis à la disposition des éleveurs sous la forme d’un saro, ou « parcours », correspondant à un nombre d’hectares de pacage et d’une modeste cabane (etxola), dont ils ont la jouissance. En effet, ces montagnes sont virtuellement divisées en quartiers et le travail du berger est de faire respecter les limites du parcours à son troupeau, afin de préserver une bonne entente de voisinage.
Ces parcours sont réservés aux éleveurs de brebis (les habitants d’une des 20 communes du Pays de Cize, les « ayants droits »), et aux bergers « sans terre » (voir chapitre Pastoralisme). Le « droit d’herbe » est alors accordé avec un tarif forfaitaire par espèce, fixé par délibération.
De nos jours, une vraie réflexion s’engage sur l’évolution de la montagne pastorale : la taille des troupeaux augmente, l’accessibilité grandissante des pâturages d’altitude diminue parfois la fréquence des visites, le temps passé en estive diminue, et une certaine érosion du nombre d’actifs est à noter dans les familles d’éleveurs.

On remarque donc une évolution des pratiques. Du système très traditionnel transhumant (jusque-là majoritaire), aujourd’hui, la place de la montagne et de l’utilisation de cette ressource change. Des systèmes hétérogènes coexistent, à savoir certains basés sur des productions et des charges très limitées associées à une forte utilisation de la montagne, et d’autres sur des productions plus importantes et sur une utilisation intermédiaire de la montagne.

Au moment de la pause conviviale entre bergers, la question qui revient souvent est : « et si la montagne était moins « utilisée » qu’autrefois, qu’adviendrait-il ? ». Toute la mémoire collective du pays de Cize regorge de coutumes et de savoir-faire transmis de saisons d’estive en saisons d’hivernage, chaque berger de 7 à 97 ans a été biberonné aux règles syndicales du bien commun, aux rituels des dates de montées en estive, aux usages des sources, aux circuits de pacage et aux coups de main fraternels pour restaurer l’etxola, débroussailler ou entretenir LA montagne.

Au moment où les reprises d’exploitation sont assurées par de nouvelles générations, la conscience collective est porteuse d’un héritage fort. C’est la mémoire vivante du pastoralisme traditionnel.

Un pastoralisme à l’héritage vivant : la transhumance

La transhumance… Une tradition séculaire au pays d’Exteberen Zubia (devenu Estérençuby par déformation), où nombre de troupeaux de vaches et brebis empruntaient cet unique pont pour rejoindre les estives.
Les chevaux, eux, n’ont jamais attendu le signal du berger… L’appel de l’herbe fraîche est assez instinctif ! Il faut souvent s’armer de patience et de surveillance pour les retenir sur les basses montagnes.
Les transhumances s’opéraient à pied, se succédant à l’arrivée des beaux jours, avec des troupeaux de brebis manech à tête noire, cette élégante et fière brebis à corne. Guidées par le berger et son plus fidèle compagnon, le chien labrit, la caravane rejoignait alors en plusieurs heures de marche ces montagnes encore non viabilisées pour au moins six mois. A Estérençuby, jusque dans les années 60, le passage du pont était l’occasion pour la douane de compter le bétail.
La transhumance, c’était l’expédition, des journées de marche, un véritable déménagement. Des ânes ou des mulets fermaient la marche, chargés de xixtoak, ces paniers en fer pour transporter les poules. Les cochons, eux, se mêlaient au troupeau de brebis, un coup devant, un coup au milieu. Et oui, pas de gaspillage en montagne : le petit lait des brebis servira de repas au cochon et le cochon offrira à son tour son lot de provisions au berger pour passer l’hiver.

Un pastoralisme à l’héritage vivant : la pension d’été assurée par les « sans terre »

Les bergers, surtout ceux qualifiés de « sans terre », prenaient fréquemment en pension des troupeaux hors secteur, c’est-à-dire propriété d’un éleveur hors territoire de la commission syndicale de Cize. Ces troupeaux, on les appelait pettarrak. En échange de la garde estivale, le berger était rémunéré par le lait et le fromage confectionné, c’était Gozoa. Une forme de troc, où les brebis à traire devaient payer la pension des brebis non productives (c’est à dire antziak, les antenaises et amume, les agnelles sous la mère). Si le nombre de brebis à traire n’était pas suffisant, l’éleveur pettar devait payer le berger. Comme une pension d’été, une affaire très rentable pour le berger sans terre. La taille du troupeau du berger sans terre restant modeste, environ 150 têtes, cela l’autorisait à prendre en plus deux ou trois troupeaux en garde estivale, et à traire. L’avantage de ce système, c’était en quelque sorte un équilibre entre les pensions d’été et les pensions d’hiver. Les pensions d’été étaient assurées par le berger sans terre au bénéfice des éleveurs pettar du piémont. Les pensions d’hiver étaient destinées à loger les brebis du berger d’estive qui, grâce aux pensions d’été, maintenait des tailles de troupeaux relativement modeste, élément facilitateur pour trouver des places d’hivernage. Il n’y avait pas de rapport de force déséquilibré.
Mais, dans les années 80, la Commission Syndicale du Pays de Cize décida de renoncer à l’accueil des troupeaux pettarrak (hors Pays de Cize). Plus de gozoa pour arrondir les fins de mois des bergers sans terre… Ils durent s’adapter. Par conséquent, la taille des troupeaux des « sans terre » augmenta de façon à retrouver la taille du troupeau d’été avec les prises de pension. Par contre, pour l’hiver, trouver des pacages et des bâtiments devint beaucoup plus compliqué… S’abriter l’hiver coutera désormais beaucoup plus cher.

Un pastoralisme à l’héritage vivant : fromages et laine

L’été, les bergers des cabanes éloignées des pistes faisaient la traite et le fromage. A l’époque, il n’y avait pas de primes européennes et, grâce aux prises de pensions estivales, le berger réussissait à « faire sa vie ». La vente des fromages se faisait directement à la cabane. Les acheteurs de grosses quantités de fromages étaient souvent des revendeurs. Et tous les fromages se vendaient, même les fromages pas très bons (pas plus de normes que de primes !). Ceux qui avaient gonflé (cela arrivait à l’époque car on n’utilisait pas de ferments), on les appelait les « pouf pouf », ils se vendaient aussi !
Le fromage se vendait 7000 anciens francs le kg, comme si, aujourd’hui, le fromage se vendait à un peu plus d’un euro le kilo. Dans les années 80, la laine aussi se vendait à ce prix là, elle valait autant qu’un kilo de fromage. Du coup, même la laine des brebis morte était soigneusement collectée. Par contre, pour vendre la laine, il fallait la descendre à dos de mule ou d’âne sur Garazi. Il se raconte qu’une année, de la laine était passée en contrebande à Arnéguy. Les bergers, sacs de laine sur le dos, traversaient alors la rivière de Valcarlos.

Un pastoralisme à l’héritage vivant : les corvées de bois

A partir du mois d’août et pendant deux mois, il fallait aussi s’occuper du bois. Cette tâche était vraiment très pénible. Les bergers d’Errozate, par exemple, passaient un col pour redescendre dans la profonde vallée des sources de la Nive. Dans la forêt, le garde forestier indiquait le ou les arbres à couper ; souvent les arbres les plus tortueux, aux multiples branches…. Le travail du berger consistait alors à abattre l’arbre, puis à remonter le bois en lisière de foret, grâce à un mulet. En lisière, le bois était déchargé pour lui permettre de sécher un peu en pleine lumière et qu’il perde du poids. Puis, quelques temps après, le bois était à nouveau chargé sur les mulets ; il fallait alors remonter vers le col d’Errozate et arriver à la cabane. Nouvelle étape le lendemain : fendre le bois et le ranger contre la cabane. C’était une tache extrêmement pénible. Le pire, pendant les années de contrebande, c’est que les contrebandiers n’hésitaient pas à ponctionner le stock de bois pour se réchauffer lors de leurs escapades en plein hiver !

Un pastoralisme à l’héritage vivant : Iguzkiz Iguzki

Juste de l’autre côté de la frontière espagnole, La Valle de Aezkoa est également une très ancienne circonscription navarraise, qui comprend neuf communes.
Un écrit de 1556 évoque déjà un accord de pâturage (droit de compascuité) entre éleveurs du pays de Cize (versant français) et de la vallée d’Aezkoa (versant espagnol). Iguzkiz iguzki, de soleil à soleil, permettait aux troupeaux de parcourir, le jour uniquement, les pâturages voisins sans se soucier de la frontière. A la tombée de la nuit, par contre, les troupeaux devaient impérativement regagner leurs territoires respectifs. Cet accord fut repris par le traité de Bayonne de 1856 qui précise à nouveau les limites territoriales entre la France et l’Espagne, initialement fixées par le traité des Pyrénées de 1659.
Depuis lors, des conventions annuelles furent signées entre ces deux vallées et iguzkiz iguzki disparut ; les troupeaux peuvent alors pâturer, s’abreuver de jour comme de nuit sur ces territoires frontaliers, sous réserve de s’acquitter d’une redevance ou d’une taxe de pâturage et de respecter un quota d’animaux. Ce sont d’ailleurs les troupeaux cizains, plus nombreux et à l’étroit, qui profitent le plus de ces pâturages voisins.

Un pastoralisme à l’héritage vivant : chassé-croisé frontalier

Akita, du nom de ce papier scellé, établi par les douaniers. Il s’agissait d’un comptage obligatoire du nombre de brebis pour passer la frontière. En effet, les bergers français utilisaient des droits d’herbe sur le territoire voisin, plutôt l’été. Les bergers espagnols d’Aezkoa, eux, avaient aussi droit de passer la frontière pour venir hiverner en France. Il fallait cependant que le comptage de l’aller corresponde avec celui du retour (gare au trafic !). Après avoir passé jusqu’à 8 mois en montagne, ils descendaient tous des estives le même jour, vers Noël. Ils étaient une quinzaine de bergers à passer le pont d’Extebern Zubia et, sous leur gabardine, ils abritaient souvent des agneaux fraîchement nés.
Il y a encore une quarantaine d’années, la frontière était surtout administrative, les va-et-vient des bergers et des troupeaux, des contrebandiers et des passeurs, établissaient un lien de proximité et de confiance entre eux. Cet estompage de la frontière facilita les rencontres entre hommes et femmes de la montagne et un brassage des populations des deux versants, qui se retrouve dans la composition de certaines familles locales.

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